Leadership et vulnérabilité 

EFFIG Conseils Blog

« Des dirigeants français lancent un appel pour un New Deal de la vulnérabilité en entreprise » : tel était le titre d’une tribune du 28 août 2025 qui m’a profondément interpellée. 

Selon cette tribune : « Comme le révèle une enquête Ifop – Vulnerable, 63 % des Français ayant vécu une situation de vulnérabilité impactant leur travail estiment que l’aide reçue par l’entreprise a été insuffisante. Partant de ce constat, 18 dirigeants appellent à faire de la vulnérabilité un levier stratégique de transformation et de création de valeur. » 

Ce texte nous invite à revisiter une question essentielle : et si la vulnérabilité n’était pas une faiblesse à cacher, mais une composante essentielle du leadership ? 

1. La vulnérabilité, au coeur du leadership 

1.1. Qu’est-ce que la vulnérabilité ? 

1.1.1. La définition usuelle 

Le dictionnaire définit la vulnérabilité comme : 

  • « caractère de ce qui peut être blessé, endommagé, attaqué » (Larousse), 
  • ou encore « exposition à un danger ou à une atteinte ». 

Dans le langage courant, la vulnérabilité est souvent associée à la fragilité, à une faille, à une limite que l’on préférerait cacher. Elle est perçue comme le contraire de la force et de la maîtrise. 

1.1.2. La différence entre fragilité et vulnérabilité 

  • La fragilité renvoie surtout à une faiblesse objective (un objet fragile casse facilement, une personne fragile peut tomber malade). 
  • La vulnérabilité, elle, n’est pas forcément une défaillance, mais une exposition : c’est le fait d’être ouvert au risque, à l’incertitude, à l’imprévisible. 

Autrement dit, on peut être solide et compétent, et en même temps vulnérable — parce que personne n’est à l’abri d’un échec, d’une perte ou d’une remise en question. 

1.1.3. Le passage vers la philosophie 

C’est ici que la pensée de Ricoeur et d’Arendt vient enrichir cette compréhension : 

  • Pour Paul Ricoeur, l’homme est à la fois capable et vulnérable : nos capacités (parler, promettre, agir) ne prennent sens que parce qu’elles comportent toujours la possibilité de faillir. 
  • Pour Hannah Arendt, l’action humaine est fragile parce qu’elle est irréversible et imprévisible : nul ne maîtrise totalement les effets de ses choix. 

La vulnérabilité n’est donc pas synonyme de fragilité. Elle est le terreau même de la relation, de l’éthique et de l’humanité. 

1.2 Ce qu’elle n’est surtout pas 

Il est toutefois essentiel de distinguer la vulnérabilité authentique de ses contrefaçons. Elle n’est pas : 

  • la complaisance dans la faiblesse, 
  • la mise en scène de ses blessures, 
  • ni l’effondrement incontrôlé. 

Être vulnérable, ce n’est pas s’exposer sans discernement : c’est assumer lucidement sa condition d’être fini, dépendant et ouvert. 

1.3 L’éthique de Levinas 

Avec Emmanuel Levinas, la vulnérabilité prend une dimension éthique : elle n’est pas seulement mienne, elle m’apparaît dans le visage de l’autre. « Le visage est ce qui interdit de tuer », écrit-il dans Totalité et Infini. C’est parce que l’autre est vulnérable que je deviens responsable. 

Pour le leader, cela signifie accueillir la fragilité de ses collaborateurs non comme un défaut, mais comme un appel à la responsabilité. 

2. Accepter la vulnérabilité : pourquoi et comment ? 

2.1 Accepter la sienne 

Un dirigeant peut être traversé par le doute sans jamais en faire une ressource. Ce qui inspire, c’est la manière d’habiter cette vulnérabilité : 

  • Dire « je ne sais pas », 
  • Écouter sans imposer, 
  • Accepter d’être un être limité parmi d’autres. 

Les neurosciences confirment que l’expression sincère des émotions favorise la confiance et active les circuits de l’empathie (Tania Singer, Amy Edmondson). 

Jung et Frankl ajoutent une profondeur existentielle : 

  • Pour Jung, affronter nos fragilités n’est pas une faiblesse mais une étape essentielle pour devenir pleinement nous-mêmes. En accueillant nos peurs et nos zones d’ombre, nous avançons vers l’individuation (le processus par lequel on devient accompli et cohérent), c’est-à-dire vers une identité plus authentique et intégrée. »
  • Frankl rappelle que même dans la souffrance extrême, l’homme reste libre de donner sens à son expérience. 

2.2 Accueillir celle des autres 

La vulnérabilité n’est pas seulement personnelle : elle est collective. 

  • Les Pères du désert et d’autres maîtres spirituels y voient un chemin d’authenticité et de compassion. 

Pour un leader, cela signifie : créer un espace de confiance où la fragilité peut s’exprimer sans crainte du jugement, où chacun se sent reconnu dans son humanité, et donc sa finitude. 

2.3. Comment oser la vulnérabilité dans un univers professionnel qui ne l’autorise pas toujours ? 

Créer un espace sécurisé 

Dans un environnement où la vulnérabilité n’est pas la norme, il est illusoire de l’imposer seul. La première étape : poser des conditions de sécurité. Exemple : 

  • un séminaire, 
  • un cercle de parole, 
  • un atelier collectif… 

Avec une règle simple et claire : ce qui se dit reste dans le groupe, chacun parle à partir de son vécu, personne n’est jugé. 

Le coaching d’organisation joue ici un rôle clé : il offre un cadre neutre et sécurisant, pour expérimenter sans risque immédiat pour sa réputation professionnelle. 

Passer de l’exemple individuel au collectif 

Souvent, les dirigeants craignent de perdre en crédibilité en montrant leurs failles. Mais quand ce mouvement est partagé collectivement, il devient une source de force et d’unité. 

Quand plusieurs managers osent dire leurs doutes, la collégialité devient plus humaine, plus créative, et paradoxalement… plus efficace. 

Cultiver le courage 

Oser la vulnérabilité, c’est une forme de courage — pas héroïque, mais persistant : 

  • le courage de dire « je ne sais pas », 
  • le courage d’écouter vraiment, 
  • le courage d’accueillir la fragilité des autres. 

Et cette force, loin d’être innée, se nourrit du collectif. En coaching d’organisation, chacun voit les autres oser… et se sent autorisé à le faire aussi. 

La valeur ajoutée pour l’organisation 

Intégrer la vulnérabilité, ce n’est pas une mode managériale, c’est stratégique : 

  • plus de coopération (moins de barrières), 
  • plus d’innovation (moins de peur du jugement), 
  • plus de résilience (moins de burn-out, plus de solidarité). 

Le coaching d’organisation permet de transformer ces principes en expérience concrète et mesurable. 

3. Ce que la vulnérabilité apporte au leader 

3.1 Une force relationnelle 

Intégrer sa propre vulnérabilité permet au leader de créer des relations authentiques. En reconnaissant ses limites et en assumant ses fragilités, il donne aux autres la permission d’être eux-mêmes. Cette posture favorise : 

  • la confiance mutuelle, 
  • l’écoute réelle, 
  • la coopération plutôt que la compétition interne. 

3.2 Une puissance décisionnelle plus humaine 

Accepter ses doutes et ses incertitudes ne paralyse pas le leader qui est bien accompagné : au contraire, cela lui permet de : 

  • prendre des décisions plus équilibrées, car il ne se laisse pas illusionner par l’ego ou la peur, 
  • gérer le stress et la pression, en acceptant que tout ne soit pas sous contrôle, 
  • favoriser la créativité et l’innovation, car la vulnérabilité ouvre un espace où l’erreur est vue comme apprentissage et non comme humiliation. 

3.3 Une autorité inspirante 

La vulnérabilité assumée transforme le pouvoir : 

  • de domination en inspiration, 
  • de contrôle en service, 
  • de posture rigide en présence et exemplarité. 

Le leader vulnérable devient un modèle de courage et d’humanité, capable de mobiliser ses équipes autour d’un projet commun, non par contrainte, mais par adhésion. 

3.4 Une dimension spirituelle et éthique 

S’ouvrir à sa propre vulnérabilité, c’est aussi : 

  • Se relier à ses valeurs profondes : dans beaucoup de contextes professionnels (ou sociaux), nous portons une armure : celle de la performance, de la maîtrise, de l’image que l’on veut donner. Consentir à sa vulnérabilité, c’est laisser tomber le masque pour revenir à ce qui compte pour nous et à ce que nous voulons être vraiment, incarner une cohérence intérieure, 
  • Développer une posture de bienveillance et de responsabilité, pour soi et pour les autres. 

C’est cette combinaison de conscience de soi, de relation authentique et d’éthique incarnée qui fait la différence entre un leader performant et un leader inspirant dans la durée. 

Conclusion

Lors d’une séance récente, un dirigeant a osé exprimer son incertitude devant son équipe. Loin de l’affaiblir, ce geste a ouvert un espace de confiance : ses collaborateurs ont partagé plus librement, posé de nouvelles questions, et l’énergie collective a changé. 

Oser sa vulnérabilité n’est pas une fragilité, c’est un pouvoir discret mais profond, capable de transformer les relations et le leadership. 

Si vous vous demandez comment la vulnérabilité pourrait devenir une ressource dans votre organisation, je vous propose un échange découverte. Explorons ensemble comment cette posture peut enrichir votre leadership et la vie de vos équipes. 

Crédits photos : jake nackos – frantisek duris – https://unsplash.com/ – fauxels – https://www.pexels.com/

 

Catherine

« On écrit pour goûter la vie deux fois, dans l’instant et rétrospectivement »

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